The Fosters [Pilote]

The Fosters

On reproche souvent à la télé américaine de manquer de subtilité, et The Fosters a peut-être trop d’ambition pour arriver à être touchante. Sur le papier, oui tout cela est beaucoup trop formaté, avec ce couple de lesbiennes qui accueille sous son toit le fils biologique de l’une d’elles, deux frères et sœurs désormais adoptés, puis une fille qui sort d’un centre de détention. Sans compter la diversité des origines ethniques représentées : du caucasien à l’afro-américain, en passant par le latino.

Le souci, c’est que pour gérer tout ça, le traitement n’est pas du tout à la hauteur. On se retrouve avec une fiction démonstrative, presque revendicatrice, qui veut aller trop vite. C’était pourtant intéressant à la base, de voir comment tout ce petit monde cohabite, s’apprécie ou se déteste parfois. Mais on est vite mis sous la règle : « ici tout le monde s’aime ». Comme si on en doutait. Je ne demandais pas un discours sur l’amour, mais bien un discours sur la manière de faire coopérer, régenter, ordonner tout ça. Quel lien de fratrie ? Quelle autorité ? Quelle souplesse ? Quelle sensibilité ? Quelle personnalité, surtout ?

Prenez une fiction comme Once and Again. On va passer un temps fou à expliquer les liens de chacun, à rentrer dans la psychologie des personnages, parce qu’ils ont leur caractère, et pas seulement un but scénaristique. Ce que chacun exprime a un retentissement sur le téléspectateur parce qu’on sent qu’on a affaire à une « vraie » personne.

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Dans The Fosters, on nage dans la compassion pure et simple. Dans la volonté de démontrer que l’amour est le substitut parfait. Or un foyer, ce sont des règles de cohabitation, ce sont des personnes qui apprennent à vivre ensemble. Ce sont des personnalités qui s’entrechoquent, se respectent, s’évaluent. J’ai eu beaucoup de mal à distinguer ça dans ce pilote, qui a préféré résumer d’un coup son propos, pensant probablement avant tout à clore un éventuel débat avec des personnes opposées à la parentalité pour les homosexuels.

Tout va trop vite disais-je. Pas le temps de voir le moindre lien entre chacun. Ni de percevoir leur caractère. On est là encore dans le discours. Mention spéciale au musicien qui « explique » ce qu’est une famille alors que tout ce qu’on veut savoir au fond, c’est sa passion pour cet art. On apprendra aussi que l’une des mères est « féministe ». Que les garçons n’ont pas le droit d’évoquer sérieusement l’hypothèse des maux de ventre menstruels pour expliquer le malaise d’une fille. Que le père biologique, flic, n’a pas le droit de vouloir protéger son ex devenue lesbienne. Et qu’il ne peut surtout pas y avoir la moindre discussion dessus. On nous montre un point de vue, ferme, assuré. On oublie le personnage. Du côté des enfants, peu d’informations également. Peu de relations chaleureuses entre eux, l’indifférence règne quand l’un des leurs disparaît. C’est l’absence de sentiments qui frappe.

Bizarrement, plus on veut nous dire que l’amour est central dans la série, moins j’ai réussi à être ému. Quand le couple décide de recueillir de nouveaux arrivants de manière prolongée cette fois, les larmes auraient du me monter vu la détresse des gamins. Mais c’était présenté d’une manière si froide, si rapidement « fonctionnelle » (« c’est comme ça et pas autrement »), que je suis resté impassible.

Alors oui ce n’est que le pilote, qui devait présenter beaucoup d’éléments et n’avait peut-être pas la place pour les ressentis de chacun. Mais il aurait au moins pu supprimer ces envolées musicales bien trop intrusives, qui au lieu de sublimer les scènes les rendait difficilement supportables. Voilà clairement un exemple de ce qu’il faire pour saboter toute tentative d’expression.

Au final, d’une idée à fort potentiel, les auteurs n’ont pas réussi à me toucher, alors que c’est typiquement un genre qui peut se transcender. Et du coup les arguments du multiculturalisme et de la différence apparaissent davantage comme un moyen de faire du buzz que comme la base d’une vraie réflexion. Hélas.

The Fosters n’a donc  pas beaucoup de saveur. A force de vouloir remplir à tout prix un cahier des charges, bien formaté, il ne faudrait pas oublier d’insuffler un peu de créativité dans tout ça. ABC Family avait une perle avec Bunheads, qui disposait d’un vrai regard, et son propos était sans doute aussi intéressant sans être aussi lourdement démonstratif. Oui je n’ai toujours pas digéré son sort. Tout comme celui de Huge.

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