Après Revenge l’année dernière, ABC a décidé de se lancer sur la piste du soap à succès, et nous propose une virée dans l’univers de la musique Country, et son berceau, Nashville. Pourquoi pas ?
Après tout, Nashville est quand même la deuxième ville américaine produisant de la musique, derrière New York. Il y a donc de quoi faire pour décrire un business-model en perpétuelle évolution. La scénariste de Thelma et Louise choisit donc de nous montrer l’opposition entre une reine de la country vieillissante et une jeune country popstar. Pour fonctionner, il fallait nuancer ces aspects, ne pas tomber dans la caricature, et le pilote s’en sort honorablement, en donnant suffisamment de détails dans la vie des personnages.
Notre héroïne Rayna James (Connie Britton) est une institution. Avec 9 Grammy Awards, on pourrait penser que le succès ne lui échapperait jamais. Et pourtant. Les temps changent. Elle essaye de conserver son train de vie malgré des ventes de disques en net recul. Son mari n’arrive pas non plus à compléter le revenu. On lui propose alors de partager l’affiche avec une jeune vedette montante. Mais Rayna a du souffle, de la volonté. Elle ne se rabaissera pas, et ne réclamera pas de l’aide à son père, l’homme le plus puissant de la région, Lamar Wyatt (Powers Boothe). Ce dernier n’a pas su assumer son rôle quand sa mère est morte alors qu’elle avait 12 ans. Mais bien qu’elle l’ait rejeté, il a tout de même financé son premier disque. Car cet homme se mêle de tout. Il arrivera même à obtenir l’engagement politique de son mari Teddy Conrad (Eric Close), ce qui n’est pas sans compliquer la vie amoureuse de Rayna. Le pilote donne d’ailleurs certaines indications complémentaires, puisqu’elle travaille avec un de ses ex, le guitariste Deacon.
La nemesis de Rayna est Juliette Barnes (Hayden Panettiere), une jeune idole qui est devenue la meilleure vendeuse du label, grâce à son jeune public, plus attiré par son look que par ses prestations vocales (Merci l’auto-tune). Si elle est la méchante de service, qui couche avec les hommes pour obtenir ce qu’elle veut, elle cache sous son masque une certaine fragilité, en rapport avec sa mère droguée qu’elle fuit. Elle est aussi capable de réellement s’émouvoir en écoutant une chanson. Cette sincérité est encore trop brève, mais elle est bien là, et c’est plutôt rassurant pour un futur équilibrage de la série.
Le pilote possède de nombreux personnages, ce qui ne permet pas forcément de bien rentrer dans le récit.Ainsi, il existe un triangle amoureux entre une jeune songwriter Scarlett (Clare Bowen), nièce de Deacon, et ses deux prétendants. Ce n’est pas forcément très original, il s’agit encore d’une serveuse qui a un talent immense mais caché. Mais il est peut-être trop tôt pour juger.
Les hommes, quant à eux, sont un peu en retrait dans la série. Et c’est sans doute pourquoi j’ai moins accroché. ABC féminise bien trop ses histoires. Et les hommes sont soit des proies faciles qui succombent au charme d’une jeunette, soit des hommes qui ont le pouvoir (les patrons des labels, ou le père de Rayna). Le seul personnage masculin intéressant, finalement, est celui qui est insuffisamment traité : Teddy Conrad, qui va chercher à s’affirmer après avoir vécu sous la dépendance financière de sa femme. J’aurai aimé un autre acteur que le fade Eric Close pour endosser ce rôle.
Reste le sujet : la country musique. Je m’attendais à de meilleurs chansons originales pour promouvoir la série, et c’est d’autant plus dommage que l’épisode passe certaines références comme Tammy Wynette, et là forcément, la comparaison est peu flatteuse. Il manque une plongée plus en profondeur dans cette musique, dans ce qu’elle apporte, dans ce qu’elle signifie encore. Il y a paradoxalement un regard appuyé pour critiquer le jeunisme de ce business-model (c’est plutôt bien vu et osé), mais il manque toujours à l’épisode la capacité d’insuffler une réelle émotion en écoutant ce courant musical. C’était ce qu’était arrivé à faire Smash (de façon inégale, certes).
Sans arriver à soulever l’enthousiasme, je trouve quand même les bases plutôt solides, car à défaut d’utiliser au mieux sa thématique musicale, l’épisode prend son temps pour décrire les réactions de ses deux personnages féminins principaux. Et c’est tant mieux. J’aime les soaps qui savent quand s’attarder pour laisser venir l’émotion. C’est un risque à courir au milieu de tous ces shows aux rythmes frénétiques, mais c’est comme cela que l’on rentre dans la peau de nos personnages. Si Hayden Panettiere est comme prévue moins à l’aise, Connie Britton, elle, est impeccable.
Bref, il y a encore du travail pour corriger ses nombreux défauts, mais Nashville pourrait bien être une jolie surprise. De quoi lui donner sa chance pour quelques épisodes supplémentaires…