Que se passe-t-il quand on met des bons comédiens (Will Arnett, Margo Martindale, Beau Bridges) dans une sitcom créée par un habitué des one-camera (Greg Garcia) et mis en scène par James Burrows (le créateur de Cheers) ?
J’avais très envie de dire que ça donne un joli feu d’artifice. Hélas, on a plutôt eu une étincelle qui a fait pschitt. Jusqu’au milieu de l’épisode on pouvait même encore rire : l’irrévérence du créateur était là, les acteurs s’invectivaient de belle manière. Bref, on pouvait fermer les yeux sur des dialogues mal ciselés ou sur les seconds-rôles sans intérêt.
Et puis, les auteurs ont du regarder d’un peu plus près le problème : il manquait quelque chose à leur pitch basique (les parents se séparent et viennent vivre chez leurs enfants lorsqu’ils apprennent que leur fils est divorcé). Ils ont eu la plus mauvais idée qui soit : faire des blagues sur les pets, et y revenir toutes les deux minutes. Non, sérieusement : même Bigard n’en faisait pas autant chez nous. Je peux rire sur la « dernière relation sexuelle » des parents racontée devant leur fiston, mais non, je ne peux pas rire devant ça. Quand on vous dit que l’humour c’est très spécifique. Moi c’est ma limite !
Si encore les scénaristes ne se raccrochaient pas désespérément à leurs blagues et passaient à autre chose. C’est bien joli de voir Beau Bridges se démener « tel Forrest Gump » pour utiliser la télé ou une cafetière, mais on est pas obligé d’y passer la journée. Quand Maw Maw de Raising Hope se trompe dans l’usage des appareils, c’est souvent en arrière-plan, et on y revient jamais. Pourquoi insister là-dessus ?
Il y a un gros manque de rythme, un vide abyssal entre les scènes, et le remplissage saute aux yeux. Greg Garcia n’est clairement pas encore à l’aise ici. C’est son montage qui lui permettait de faire ressortir l’humour des blagues trash. En lui mettant dans les mains une comédie multi-camera, la série devient au mieux ennuyeuse. Et son créateur essaye régulièrement d’échapper à son cadre par le biais du métier de Will Arnett (il est journaliste télé), sans arriver à convaincre.
Heureusement The Millers disais-je a de bons comédiens. Quand Will et Margo se mettent à danser sur la musique de Dirty Dancing, on se prend à rêver d’autres gags visuels. Il est rare, très rare, d’avoir un casting avec lequel on se sent immédiatement à l’aise, et là Greg Garcia a trouvé le jackpot. Les acteurs se lâchent, on ressent le plaisir qu’ils ont à être en scène, et leur don pour la comédie leur permet de relever le niveau du script. Ainsi Margo tient bon dans le rôle d’une mère insupportable et radine, tandis que Beau Bridges fait merveille en homme têtu et désorienté.
Au final, le pilote est donc décevant. Ses blagues sur les pets, son problème de rythme, ses seconds rôles moyens (même si j’aime Nelson Franklin de Traffic Light) entachent durablement le plaisir de voir un fabuleux casting principal, quelques excellentes répliques ou bons gags. C’est tellement frustrant de voir autant de talent gâché alors que le potentiel est énorme. Pourtant malgré tous ses défauts, je ne veux pas y croire. Il va peut-être me falloir quelques épisodes de plus pour que j’ouvre les yeux, mais The Millers peut s’améliorer. Please, Greg… Quand on a la chance de passer derrière The Big Bang Theory qui fait un carton, on saisit cette opportunité.