Rectify, nouvelle série de Sundance Channel, est l’une des jolies surprises de cette année. J’ai toujours eu un penchant pour les fictions qui prennent non seulement le temps de développer les personnages, mais aussi de nous intéresser à leurs psychologies.
Ainsi, la série nous propose de nous glisser dans la peau d’un condamné à mort, relâché au bout de 20 ans grâce au miracle des tests ADN. Le pitch a d’emblée deux trames très intéressantes : celle de la renaissance à la vie d’un type qui ne sait plus trop où il en est, et celle de la population, qui reste en partie déterminée à le renvoyer en prison.
Commençons par les choses qui fâchent : la série a cru bon de rajouter une intrigue policière, le besoin de dire la vérité sur ce qui s’est passé 20 ans plus tôt, lorsqu’une jeune fille de 16 ans a été violée puis tuée. Or, là, on court le risque de retrouver un thème de prédilection des legal drama : sauver un condamné à mort en refaisant l’enquête. Je trouve au contraire qu’il y avait largement suffisamment de choses à dire sur la mentalité, le comportement d’un homme détruit devant une population qui ne veut pas le comprendre. On aurait pu donner au téléspectateur un très bon message : « qu’importe s’il a tué ou non, il y aura toujours un doute dans votre esprit. Essayons de dépasser ça en nous intéressant au parcours de tous ces gens qui retrouvent la liberté mais qui n’arrivent pas à refaire leur vie. »
Ce qui est appréciable, au fond, c’est de voir comment sa famille réagit à sa présence. Pas de longs discours, pas de rires ni de larmes sans fin, mais une discrétion, une pudeur, un respect qui force l’admiration. N’importe quelle série aurait passé de longues minutes à nous montrer des prototypes de parents, frères, bornés, arrogants, en colère, ou au contraire d’une extrême fragilité devant ce miracle. Ici, il n’ y a pas d’extrêmes, on laisse un mince espoir pour que le temps fasse son effet, on laisse digérer chaque victoire : la visite du hameau d’enfance, un visionnage de dvd, une bière, un bain… Notre ex-prisonnier essaye de sortir de sa coquille, de son mutisme, sans vraiment y parvenir. Quelques flashbacks sur sa vie pénitentiaire aident à comprendre comme il a pu survivre jusque là : en lisant, en pratiquant une méditation bouddhiste, en discutant avec son voisin de cellule… La famille prend donc des gants, lui laisse toute latitude pour choisir : va-t-il rester dans la maison parentale, travailler à nouveau ?
Il n’aura probablement pas le temps qu’il voudrait, car la politique s’en mêle. Libérer un détenu qui a avoué ses crimes, ça n’est pas dans les cordes du sénateur du coin. Ce dernier va donc tenter de rallier à lui la police et le nouveau procureur pour lui remettre les menottes. Au-delà de l’affaire, c’est bien l’attitude de chacun qui est intéressante à surveiller. Tellement convaincus d’avoir eu raison, que notre héros était le tueur, vont-ils aller jusqu’au harcèlement ? Et la population, donnera-t-elle une seconde chance ? On ne peut s’empêcher de penser à l’affaire Patrick Dils, ou du fameux pull-over rouge, pour comprendre comment la population (et la justice) font partie d’un véritable rouleau compresseur.
Surtout, la série est d’une grande humilité. Patiente, elle nous laisse tisser un lien avec chacun. Je tiens vraiment à tirer mon chapeau à Aden Young. Il a su trouver le parfait dosage pour éviter d’avoir un personnage froid, indifférent ou effrayant. Il arrive à nous montrer l’état d’hébétude dans lequel il erre, sans jamais devenir agaçant. De même la réalisation est fluide, elle ne se vautre pas dans la contemplation mais laisse parfaitement une place au téléspectateur pour qu’il réfléchisse. Et, ce, dès les premières scènes, quand notre héros constate qu’il passe de repris de justice – numéroté, obligé de dévoiler son intimité – à un être fréquentable, qui retrouve à la fois ses droits et une certaine compassion de la part du personnel. C’est subtil sans être cryptique, fluide sans être un no-brainer.
Bref, Rectify a donc trouvé le dosage adéquat pour raconter son histoire, et j’ai hâte de voir la suite. Une belle réussite.