Aujourd’hui, article volontairement polémique, forçant un peu le trait pour parler d’une réalité pourtant agaçante…
S’il y a bien un fait récurrent lorsqu’on analyse le showbiz coréen, c’est son besoin de chercher la reconnaissance aux Etats-Unis. D’un point de vue extérieur et européen, ça peut prêter à sourire puisque nous avons appris à nous détacher du modèle américain (quoique quand je vois nos frenchies tenter Hollywood…), mais cela marque surtout la traduction d’un monde bipolaire (les USA d’un côté, l’Asie de l’autre).
La première difficulté pour atteindre ce rêve, c’est bien évidemment la langue. Les coréens mettent le paquet sur l’apprentissage de l’anglais dès leur plus jeune âge, mais il faudra peut-être encore attendre quelques années avant de voir arriver une génération d’acteurs totalement à l’aise avec la langue de Shakespeare. Malgré des progrès indéniables, beaucoup d’acteurs coréens loupent des opportunités parce qu’ils n’arrivent pas à prononcer certaines diphtongues.
Mais au delà de la barrière linguistique, signalons tout de même que les rôles que l’on offre à ces acteurs ne s’éloignent pas des clichés habituels. Mais prenons quelques exemples.
- « Ils se ressemblent tous »
La différenciation des pays asiatiques tient malheureusement souvent du luxe dans les discussions de tous les jours.
Vous l’avez tous sans doute vécu. Y a t-il moyen d’aller au-delà de la vision caricaturale qu’ont certains français/occidentaux à l’encontre des asiatiques ? Comment ne pas comprendre que japonais, chinois ou coréen, ce n’est pas la même chose, culturellement, historiquement ? Lorsque l’Amérique propose d’adapter les mémoires de geisha en film, pourquoi mettre une chinoise dans le rôle-titre ? Il y a un débat identitaire que l’on ne peut masquer, surtout quand on se réfère à quelque chose d’aussi culturellement marqué. Confondre diverses nationalités, c’est faire preuve d’un certain mépris. Ce n’est pas comme s’il n’y avait pas d’actrice japonaise capable d’incarner une geisha, hein !
En side-note, j’aime beaucoup le site alllooksame, qui désamorce plutôt bien préjugés et idées racistes (lisez la partie explicative philosophy). Faites le test de reconnaissance faciale il n’est pas si facile et joue bien avec nos représentations mentales.
- « Kung fu fighting ! »
Depuis le succès des films de Bruce Lee (et ça date !), c’est décidé. Un acteur asiatique ne peut incarner que les rôles suivants :
– chef de la mafia chinoise, yakuza ou autre stéréotype de gangster. variation : flic ex-gangster (The Mentalist, Hawaii 5.0., Lost..)
– maître de kung-fu. variation : ninja. (d’innombrables shows policiers comme Monk, CSI… )
– cuistot chinois. (souvent dans les séries comiques : Seinfeld, How i met your mother…)
– médecin asiatique qui en pince pour un afro-américain. (Urgences, Grey’s Anatomy…)
– asiatique à côté de ses pompes et ne comprenant rien au modèle américain (Two Broke Girls, quelques scènes de Lost…).
Ceci explique sans doute pourquoi les acteurs coréens superstars en Asie n’accèdent qu’à des rôles simplistes et caricaturaux lorsqu’ils décident de franchir le Pacifique :
Jung Ji-hoon (Rain) : Ninja. (aka guerrier espion japonais). (Ninja Assassin)
Lee Byung-Hun : Storm Shadow, expert en arts martiaux (G.I. Joe)
Jun Ji Hyun (renommée Gianna Jun pour faire plaisir aux américains) : vampire maniant le sabre au Japon : Blood the last vampire.
Jang Dong-gun : guerrier assassin (The Warrior’s way). Bon ok, le film est néo-zélandais à la base ^^
Rain explique très bien ce phénomène discriminant : Les asiatiques ont leur culture, mais les occidentaux ne semblent intéressés que par l’aspect art martiaux. Faites un sondage autour de vous, c’est bluffant. De même les Dvds coréens qui viennent jusqu’à nous sont soit des œuvres primés dans des festivals, soit du cinéma d’action. Et le cinéma populaire, les comédies romantiques, et les mélos alors ?
- « cosmopolitisme (citoyenneté mondiale) ou multiculturalisme (cohabitation de différentes cultures) » ?
D’autres acteurs coréens s’orientent vers les films américains indépendants, comme Song Hye Kyo dans le film Fetish, avec un résultat plutôt catastrophique.
Jun-Ji Hyun n’a pas eu plus de succès avec Snow Flower and the secret fan, film adapté du best-seller de Lisa See.
En revanche, les collaborations américaines se font de plus en plus nombreuses, on citera notamment I come with the rain , avec Lee Byung Hun et Josh Hartnett.
Mais en attendant, c’est le cinéma asiatique qui transcende ses propres frontières : on ne compte plus les mélanges d’acteurs chinois, japonais et coréens dans les production à gros budget. Le rêve américain est-il à la portée des acteurs coréens ?
La tendance de fond est là, mais il faudra peut-être attendre encore un peu, car la touche coréenne ne doit pas se noyer dans Hollywood (c’est l’erreur qu’a fait le cinéma hong-kongais, et il a eu du mal à s’en remettre). Au niveau des séries, malgré les rôles encore limités, la diversité est en marche. L’échec de Daniel Henney à la télévision (Three Rivers) ne masque pas la réussite de Daniel Dae Kim (Lost, Hawaii 5.0) ou de Sandra Oh (Grey’s Anatomy) , canadienne d’origine coréenne, qui ont tous deux su percer.