Adaptée du livre autobiographique de Piper Kerman (Orange is the new black : One Year in a Women’s Prison), cette nouvelle série de Netflix fut un coup de foudre. Au point de dévorer rapidement la saison (Rappelons que Netflix incite au binge-watching, et que c’est le mal absolu).
Si on sent la patte de la créatrice Jenji Kohan (Weeds), j’ai trouvé qu’il y avait bien plus de travail sur la forme pour rendre le récit réellement drôle et émouvant. Je n’avais pas réussi à m’attacher à Weeds au delà de la seconde saison, parce qu’elle manquait singulièrement d’intensité et de rythme, s’astreignant parfois davantage à une satire pseudo-sociale qu’à des ressorts comiques ou dramatiques. Bref je me suis ennuyé devant Weeds.
Orange is the new black n’a pas ces défauts. Mieux encore, elle corrige ceux du livre, qui racontait comment une jeune femme blonde, « parfaitement éduquée » finissait par être aimée par tout le monde dans sa prison, avec un ton légèrement condescendant et hypocrite. Dans la série notre héroïne emprisonnée doit se remettre en question, surtout en tant qu’être humain. Elle est loin d’être parfaite, et elle va finir par le comprendre.
On s’éloigne donc peu à peu du cliché de la jeune femme un rien innocente qui tombe par accident de la vie dans la fosse aux lions, et qui doit en apprendre les codes. Il faudra attendre le milieu de la saison pour voir les premiers signes de cette évolution salvatrice. Notre héroïne ne sait plus qui elle est. Si elle a appris à ne plus se prétendre supérieure, elle va aussi comprendre qu’elle même fait partie du problème.
Taylor Schiling campe avec efficacité cette jeune prisonnière torturée entre son amour lesbien aventureux (Laura Prepon) et son futur mariage avec un journaliste raté (Jason Biggs). Elle réussit au détour de plusieurs scènes à montrer toute la complexité de son personnage, ses questionnements, sa naïveté, mais aussi sa passion, sa rage enfouie… Elle ne gardera pas le profil bas, elle va devoir évoluer, au point de ne plus savoir qui elle était avant la prison, ou si son caractère ne se révèle que maintenant.
Mais le récit ne se cantonne pas, fort heureusement, à cette héroïne. Son atout principal réside dans la diversité des personnages féminins rencontrés à la prison. Par le biais de flashbacks on en apprendra un peu plus sur quelques unes d’entre elles (j’aurai adoré avoir un flashback sur Crazy Eyes, snif), et si on nous maquille les crimes et le sang qu’elles ont fait couler, c’est parce qu’elles ont bien plus de choses à nous apprendre.
Pour autant la série ne sombre dans un drame dénonciateur d’une réalité, car Orange is the new black est avant tout … une comédie pleine d’humanité. Même si des tragédies surviennent, l’humour est toujours là, tapi dans un recoin, près à resurgir. Et il s’appuie avant tout sur le caractère des détenues. Excentriques, new age, fanatiques religieux, droguées, la galerie est jubilatoire et on ne perd pas une miette du décalage entre les aspirations de ces femmes et leurs tristes réalités. Saluons surtout la richesse des dialogues et des échanges, qui fait particulièrement plaisir à entendre. Sans compter la chasse au poulet, les photos détournées, le ridicule de nombre de situations… On rigole beaucoup. Vraiment beaucoup. Et je me mords les lèvres pour ne pas vous en dire davantage.
C’est l’autre point fort de l’œuvre : nous rappeler que ces prisonnières sont des êtres humains avant tout. La prison aura son lot de rancunes, trahisons, vengeances, bouderies, manifestations de solidarités, d’amour, de désir… On parlera moins de clans ethniques que de femmes qui cherchent avant tout à survivre.
On s’attache donc très rapidement à tout ce petit monde, d’autant qu’il n’est pas restreint aux seules détenues. Il y a tout le discours presque obligatoire sur la corruption, sur ce système défaillant et ceux qui l’incarnent : des gardiens qui contournent les règles, que ce soit par empathie, par amour, ou pour leur propre intérêt (l’odieux Pornstache), la hiérarchie qui ferme les yeux pour protéger les postes ou leurs détournements de fonds,… Et puis il y a aussi le cercle familial de l’héroïne, qui ne peut comprendre ce qui se passe en prison, et préfèrera soit l’oublier, soit l’utiliser. Tout le monde en prend pour son grade, ou presque. Et la série réserve son lot de surprises.
Voilà au fond ce que j’aime dans une série, ce mélange entre le drame et l’humour, entre l’émotion et la réflexion, avec des personnages très attachants, un rythme impeccable et des rebondissements qui ne sont pas capillotractés. Netflix tient là une très jolie pépite, et de loin la meilleure nouveauté de ces derniers mois. A voir absolument, et de toute urgence.
Tu me donnes envie !