Queen of the office, remake du drama japonais Haken no Hinkaku (Pride of the temp), est une petite surprise. J’avais entraperçu l’original à l’époque de sa diffusion en 2007, et je n’avais pas pu continuer l’expérience, mais sa thématique était vraiment intéressante. Je pensais que les coréens ne sauraient pas reprendre la comédie japonaise avec ses délires. J’avais tort. Ils en ont repris tous les ingrédients, même si le dosage est nettement moins fin.
En effet, les premières minutes sont catastrophiques, les gags ont du mal à s’imposer, tout comme les personnages. Cette mauvaise introduction, surjouée, et peu drôle, permet de s’acclimater avec le ton loufoque de la série, et cache un peu trop longtemps son sujet : on va parler travail en entreprise. Et plus particulièrement de ces intérimaires, dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis la crise financière asiatique de 1997.
Sans approfondir son sujet – comédie oblige – la fiction aborde quand même certaines notions : les entreprises exploitent ces femmes sous-diplômées, le recrutement se fait sur des critères douteux, on va parler harcèlement sexuel, et surtout des rapports entre les employés « permanents » et les temporaires. Ainsi notre héros Jang Gyu Jik (jeu de mots signifiant employé permanent) (Oh Ji Ho), manager à l’égo surdimensionné, pense vraiment être supérieur à tous ces petites mains, toutes ces tâches subalternes. S’il a la confiance de son patron, il a également l’admiration de ses pairs. Mais on se demande bien pourquoi, tant la moindre de ses actions est ridicule. Le personnage est dans la droite lignée des types qui ne supportent pas de ne pas avoir le dernier mot, mais dans le même temps a un net penchant pour les femmes dominatrices. Bref, c’est un peu contradictoire, et il va falloir s’y faire.
L’atout maître de la série est l’arrivée d’une intérimaire (Kim Hye Soo) qui a choisi son statut, contrairement à toutes ses collègues. Quelques indices laissent à penser que celle-ci a eu un traumatisme qui lui a changé sa vision de la vie (en rapport avec un incendie). Elle cache son prénom, ses activités extra-professionnelles, et ne semble vivre que pour la paye et son lunch quotidien. Elle a le privilège de respecter à la lettre le contrat, qui lui donne le droit de partir à 6 heures tapantes, de ne répondre qu’aux ordres de son supérieur… En échange de quoi, elle se transforme en superwoman. Rien ne lui fait peur, elle accomplit toutes ses missions à grande vitesse, que ce soit le ménage, le café (qu’elle améliore), le tri, ou la saisie informatique. Et comme ça fait des années qu’elle fait ça, elle a beaucoup d’expérience dans tous les domaines : de la tauromachie à la pelleteuse en passant par le métier de caissière, elle suscite l’admiration de tous. On pousse ainsi la logique de la comédie à son maximum, et par bien des aspects, le personnage rappelle un peu la sœur aînée de Seigi no Mikata.
En effet, son caractère est très fort. Extrêmement froide, elle n’est pas sociable, et semble indifférente au sort des autres. Sa vision de la vie va à l’opposé de notre héros, qui considère que tout salarié permanent fait partie d’une grande famille. Et il va d’ailleurs tout faire pour reprendre la main sur Miss Kim, qui ne cesse de le ridiculiser. Ces deux là vont donc enchaîner les compétitions, pour notre plus grand plaisir.
Le premier constat que l’on fait une fois passée la lourde introduction, c’est que la série a su reprendre les codes narratifs japonais, jusque dans la mise en scène. Ça surprend beaucoup. Les scènes sont certes exagérées et plus étirées que dans l’original, mais l’esprit comique reste le même. Le délire est là, et plus d’une fois on se croirait au pays du soleil levant. Au point que je me suis demandé si je ne ferai pas mieux de me revisionner la série originelle.
En effet, drama coréen oblige, les aspects romantiques ne tardent pas à montrer leur bout du nez. Que ce soit une salariée temporaire qui en pince pour le patron (Jung Yoo Mi, The Great Gye Choon Bin), ou tout simplement une de ses ex… Mais là encore, ces mécanismes ne sont pas mis en avant. Difficile de s’attacher aux personnages, au fond. Ce sont des individualités loufoques qui font resurgir des thématiques réelles, mais pas encore des individus capable de susciter une quelconque émotion. Là encore, la prédominance de la narration japonaise ne permet pas beaucoup de latitude. Il faudra sans doute quelques épisodes pour s’en détacher et construire ces personnages.
Ça ne veut pas dire qu’on passe un très mauvais moment devant sa télévision. Le côté décalé typiquement japonais a vraiment bien fonctionné par moments. C’est drôle, bien rythmé, la mise en scène surjoue mais utilise très bien des thèmes musicaux archi-connus (et j’aime beaucoup la chanson de 10 cm – Maybe). Bref, c’est plutôt rafraichissant par rapport aux autres dramas coréens. J’aime beaucoup la dynamique de l’ensemble, le fait que notre héroïne surclasse aisément son supérieur hiérarchique et que ça le rende fou. Je suis plus sceptique pour les personnages secondaires, j’espère qu’ils ne vont pas nous transformer l’ex du patron en méchante jalouse pour se conformer aux règles du drama coréen. J’ai poussé un soupir de soulagement en la voyant être gentille avec sa collègue, et j’espère que cela va en rester là.
Au fond tout ceci n’est pas très cohérent, et on voit mal comment on va passer d’une comédie japonaise délirante, où le patron pète les plombs, à un drama plus centré sur l’évolution psychologique de nos personnages. On part de très loin. Si on cherche un drama coréen, c’est franchement loupé, le héros misogyne, immature, colérique, est tellement antipathique qu’il est impossible d’avoir envie de continuer l’aventure. Si en revanche on est attiré par les rouages d’une comédie japonaise, et donc qu’on arrive à passer outre ces personnages caricaturaux, on peut peut-être prendre du plaisir devant sa télévision.
Les deux premiers épisodes reprennent la plupart des scènes de l’original, arrivent à sublimer les effets comiques en surjouant sans agacer, mais je ne pense pas que le drama saura évoluer pour rendre ses personnages plus sensibles et attachants. On part de très très loin cette fois-ci. Dans le même temps, à ma grande surprise, j’ai vraiment ri devant l’absurdité de certains gags, j’ai adoré certains délires, je ne vais pas vous le cacher. Et puis j’ai toujours aimé les dramas qui mettent un making of ou un bêtisier dans le générique de fin, ça donne une bonne idée de l’ambiance, et ça rend la série nettement plus sympathique.
On en reparle au prochain bloc-notes.