[Pilote] Äkta Människor

Une fois n’est pas coutume, je n’ai pas résisté à l’envie de visionner le pilote d’une série suédoise, Äkta Människor. Je tiens avant tout à rendre hommage à Ladyteruki, pour cette découverte qui vaut vraiment le détour. Sous son titre anglais Real Humans, la série nous parle d’un futur proche, où la robotisation avancée de la société n’est pas sans conséquences.

C’est tout simplement passionnant, notamment pour moi qui aime beaucoup le questionnement éthique, parce que la série ne se contente pas d’imaginer une substitution de l’homme pour certains actes de la vie courante, avec un positionnement manichéen excessif comme dans de très nombreuses fictions. Non, la série, malgré un discours démonstratif, pose de vrais sujets qui ne vont pas tarder à faire leur entrée. Et tente de parler de beaucoup de pans de la société.

Vous ne le savez peut-être pas, mais le marché de la robotisation est le prochain marché de ce siècle. Les japonais ont déjà commencé à réfléchir sur des moyens de remplacer les hommes jeunes par des robots, notamment pour s’occuper des personnes âgées. Un questionnement légitime quand on pense que la démographie au Japon et en Corée du Sud est catastrophique (la fécondité y est la plus basse au monde). Le modèle traditionnel des aînés qui restent vivre avec leurs enfants est en train de voler en éclat en même temps que la dépendance des séniors demande une présence 24h/24. Dans ce contexte, il était temps d’imaginer une fiction qui parle de ces enjeux.

Äkta Människor évoque donc un futur où le robot rentre dans les foyers. Certes, l’exemple évoqué est celui d’un senior faiblement dépendant qui se fait assister par un robot (« hubot » dans la série), mais il permet de bien comprendre l’impact. On substitue une présence humaine par une aide technique à apparence humaine chez des personnes qui ont de plus en plus de mal à distinguer ce qui est humain, et qui développent une affection, une tendresse pour ces machines qui va bien au-delà d’un rapport patron-employé (ou maître-esclave). Même si les tâches données au hubot sont « ingrates », il est amusant de voir une relation entre époux vieillissants se reconstruire sous nos yeux. La démonstration n’est certes pas subtile (la femme hubot a le physique d’une mégère qui tient tête à son mari), mais le message passe : à force de donner des missions de prévention au hubot (concernant l’hypertension, le café, etc…), on finit par reproduire une relation de contraintes, de secrets, là où a priori on aurait pu penser à une relation froide, impersonnelle mais fondée sur l’entière liberté du propriétaire. Et à mon avis, le fait que cet homme regrette son ancien robot, d’apparence plus jeune, n’est pas innocent : peut-être recherchait-il à travers lui un autre type de relation comme celle d’un père à son fils ?

Bien sûr la série ne fait pas non plus l’économie des questions habituelles dans ce type de fiction, comme le positionnement sur notre humanité. Voir des corps de hubot partir en charpie n’a rien de réjouissant. Évoquer leurs fonctions sexuelles non plus.Et dans le même temps le discours ne se résume pas à montrer les gentils robots épris de liberté d’un côté et les méchants esclavagistes qui ont peur d’eux. Non, le robot « libre » semble être un danger mortel pour l’homme (le sang va couler). Quant à l’homme intolérant, il se réfugie dans une sorte de racisme anti-robot, en apposant à sa porte le sigle « real humans ». Pourrait-on lui en vouloir, quand il voit sa femme fricoter avec un robot ? Ou peut-être est ce de sa faute, à trop négliger celle-ci ? On le voit, la série cherche à argumenter, à poser le pour et le contre, sans verser dans une idéologie sectaire.

L’épisode est particulièrement bien rythmé, jouant avec nos idées, nos peurs, et l’effet de surprise. Parmi les intrigues intéressantes, la recherche d’une hubot volée puis revendue. Si on ne connait pas encore vraiment bien les motivations de celui qui la recherche, cette quête permet d’évoquer également la marchandisation et la délinquance rampante. Je suis en revanche beaucoup moins intéressé par le volet « hubots libres », qui souffre sans doute d’un manque d’approfondissement de ses personnages. Mais vu tout ce qu’il y avait à exposer dans cet épisode d’une heure, c’est facilement pardonnable.

Ce qui m’a surpris, finalement, c’est que devant un sujet aussi ambitieux, on se rend compte qu’il n’y avait pas forcément besoin de tonnes d’effets spéciaux numériques. Avec une bonne dose de maquillage, et des bruitages, on croit vraiment voir des robots à apparence humaine (notez bien que je n’emploie pas le terme humanoïde). Après, c’est une question de vision. Doit-on imaginer des robots « rigides » ou si peu expressifs ? (sans demander une fluidité à la Bae Doo Na dans Air Doll, par exemple, mais là il s’agissait d’une poupée gonflable). J’ai également beaucoup aimé la mise en scène qui sait s’attarder sur les bons plans, et utilise ses filtres de couleur de façon astucieuse.

Au final, voilà donc une histoire originale, du fantastique avec une vraie réflexion sur nos sociétés à venir. Mais pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour voir ça à la télé ? Ne manquez surtout pas ce petit bijou.

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