Le succès de Jin devait forcément faire baver d’envie certains producteurs. Jin, c’était une idée grandiose, celle de faire voyager dans le passé un médecin du 21è siècle. L’histoire de la médecine étant passionnante, elle avait de surcroit un atout majeur, celle de permettre des histoires touchantes et émouvantes en même temps que de proposer un dilemme majeur : doit-on changer le futur grâce à ces nouvelles connaissances ?
Nobunaga no chef a beau être adapté du manga, on ne peut que s’interroger sur le bienfondé d’un projet qui consiste à raconter l’histoire d’un cuisinier du 21è siècle qui voyage dans le passé. Non, sérieusement, un cuisinier ? C’était oublier une caractéristique fondamentale des jdramas : leur capacité à raconter des histoires autour de la cuisine. Les food-drama sont de véritables ovnis culturels pour nous occidentaux, parce que nous réduisons la cuisine à la technique (il n’y a qu’à voir les émissions de télé-réalité chez nous), alors que les japonais s’en servent pour exprimer des émotions. Que ce soit à travers la présentation, la couleur, l’odeur, la texture, l’histoire d’un plat, il y a en permanence ce besoin de faire ressurgir les sentiments du convive, lequel a par exemple oublié ce qu’était son plat natal, la cuisine de sa mère décédée, ou est tellement préoccupé par son divorce qu’il en oublie de prendre le temps d’écouter l’autre. Le temps du repas est au cœur de multiples thématiques et ces food-drama s’en servent avec plus ou moins d’habileté depuis des années. On peut en sourire, car le scénario est extrêmement répétitif et basique (un cuisinier apprend le problème de son convive et par le biais de sa cuisine, aide à le régler), les effets spéciaux sont souvent kitchs, avec des effets de lumière… Mais le résultat est là : il ne faut surtout pas regarder ce genre de fictions quand vous avez faim.
Nobunaga no chef respecte à la lettre les lois du genre, même si le pilote présente des plats minimalistes, étant donné les instruments et les ingrédients de l’époque. Avec un peu moins d’étincelles dans les yeux, tout dépend donc de votre tolérance. Notre cuisinier (Tamamori Yuta, Ikemen Desu Ne) cuit le poisson selon une méthode moderne, joue avec le sucre, essaye de se rapprocher de la cuisine portugaise, déroute (et ravit) ces hommes du passé. Reste à joindre le principe du food-drama avec celui du dilemme de Jin, à savoir que peut donc faire un cuisinier pour changer le cours de l’histoire ?
C’est là que le drama bloque. La reconstitution historique fait pitié, les moyens sont largement insuffisants pour faire croire que nous sommes en 1568, et surtout on arrive jamais à savoir si le drama se prend réellement au sérieux. La présence au générique de la sympathique Shida Mirai (Seigi no Mikata) entretient la confusion. Avec un surjeu comique, impossible d’arriver à croire que nos personnages risquent la mort en pleine bataille. Et il n’y a pourtant aucun gag permettant de croire à un côté volontairement décalé. La dimension dramatique est aussi éclipsée, réduisant presque l’ensemble à un teen-drama sans âme, où il ne reste que les personnages et aucun contexte social important.
C’est pourtant pas faute d’essayer, car la période où atterrit notre cuisinier est celle d’Oda Nobunaga, l’un des premiers unificateurs du Japon qui fut tué par Akechi Mitsuhide. Ces deux personnages historiques sont incarnées avec peu d’entrain par les acteurs, mais surtout on ne ressent jamais le côté épique du passé. Les batailles n’ont aucun enjeu car le drama ne s’y attarde pas, et préfère rajouter une femme assassin qui multiplie les sauts de trampoline dès qu’elle le peut.
Les motivations du héros sont là aussi très limitées. On ne nous permet même pas de voir comment notre cuisinier fait son saut dans le passé, on préfère nous plonger directement à cette époque, tout en prétextant son amnésie. En l’absence de background (et d’enjeux), il est donc très dur de s’attacher au personnage principal, pour le moins insipide et substituable.
Bref, Nobunaga no chef ressemble à un food drama basique maquillé maladroitement en un Jin dénué de toute saveur, de toute sa valeur humaine et de son contexte épique. Passez moi le patron, tout cela n’est pas bien frais et ressemble un peu trop à du fast-food prédigéré…
Au vu de ta review, je crois qu’il faut proposer d’adopter un moratoire sur tous les projets mettant en scène des voyages dans le temps pour quelques saisons au mois en Asie. A force de décliner ce concept sous des facettes les plus insignifiantes à tour de bras, le filon va finir épuiser et nombre de téléspectateurs allergiques à ces tribulations temporelles. Ce drama ne me tentait pas particulièrement, ta review me conforte dans ce choix. Je vais me contenter de poursuivre mon visionnage du food drama par excellence qu’est Kodoku no gurume.