Forcément, quand on est adepte des fictions coréennes, on est attiré par les dramas qui parlent … de dramas. Ce n’est pas une première au pays du matin calme (The World Within, On Air), et l’exercice est on ne peut plus périlleux.
Comment, en effet, raconter la production de dramas alors que les critiques fusent de toutes parts : dramas montés à la dernière minute, épuisement de l’équipe de tournage et des acteurs, scripts changés en quatrième vitesse, scandales autour des acteurs, casting modifié sans tenir compte des contrats, rumeurs, accidents en série, pression des netizens… Ce monde est loin d’être rose en réalité. Et si vous suivez un peu l’actualité, vous trouverez malheureusement régulièrement de nouveaux exemples. Et The King Of Dramas va mettre les pieds dans le plat.
En effet, The King of Dramas délivre une excellente première demi-heure, en nous montrant notre héros, Anthony Kim (Kim Myung Min, Beethoven Virus), producteur à succès pour qui la vie des autres n’est que secondaire. Tout ce qui compte, ce sont les chiffres d’audimat, le placement de produit, l’exportation, et le profit. Son savoir-faire est redoutable, et tout naturellement il pense avoir le droit de manipuler les gens pour parvenir à ses fins. Ainsi, il impose un changement de dernière minute à la scénariste du drama « Elegant Revenge » : il faut placer un jus de fruit dans les dernières scènes, où le héros meurt. La scénariste refusant de se plier à ces exigences, notre producteur emploie alors son assistante, Lee Go Eun (Jung Ryun Won, History of a Salaryman) une novice passionnée, n’hésitant pas à lui mentir pour obtenir son accord.
On suit alors les dernières minutes, de la modification du script à la diffusion en passant par le tournage, avec un compteur à rebours façon 24. Beaucoup de clichés véhiculés sur les dramas sont présents (ainsi que des caméos), pour notre plus grand plaisir. Le regard est particulièrement féroce, et contraste avec la vision idéalisée de l’Hallyu présenté en introduction. L’effort est suffisamment important pour être souligné.
Et puis The King of Dramas choisit de se focaliser sur ses personnages, démontrant les limites de ce business model : un requin finit toujours par se faire manger par un autre requin. Comme il ne s’est pas fait des amis, Anthony Kim finit par être viré lorsqu’un scandale éclate. Il est en effet responsable de la mort d’un coursier, qu’il a poussé à ses limites. Sa froideur et son égocentrisme ne cache pas une certaine sensibilité. Car si notre héros met en priorité la production de son drama, il sait également demander pardon, et se montrer généreux. Comme dans la plupart des dramas, nous avons affaire au personnage masculin qui porte une carapace : ici, il est sous antidépresseur pour éviter de pleurer toute la journée lorsqu’il perd son travail. C’est une très bonne chose, au fond, pour ce scénario, car plus encore que la production de dramas, on sent que la thématique va être la reconstruction de ce personnage, à travers son ambition toujours intacte. Et on a rapidement envie de le voir évoluer, malgré son comportement.
Alors qu’il a tout perdu, Anthony Kim va entendre parler d’un projet de drama financé par les japonais, avec un budget plus que conséquent. C’est l’occasion pour lui de se refaire… et de se venger. Seulement voilà, il y a un impératif pour être choisi : écrire un script parlant de l’Occupation Japonaise (petit clin d’œil à Bridal Mask décidément très référencé cette année). Ce script, il l’a refusé à cette assistante Lee Go Eun, laquelle a perdu tout rêve d’écrire des dramas à cause de ses mensonges. Ça ne va pas être facile de la convaincre. Et il va s’apercevoir que le richissime japonais cache également des choses…
Ces deux premières heures sont passées comme une lettre à la poste. L’introduction parodique du petit monde des dramas, son héros à la fois dur et fragile, et surtout notre scénariste qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, tout est réuni pour passer un bon moment. J’en profite pour saluer la prestation de Jung Ryu Won, décidément impeccable depuis History of a salaryman. Elle est en passe de devenir une de mes actrices préférées, capable de jouer une large palette tout en restant subtile. Kim Myung Min est peut-être un peu trop impassible, et gagnerait à exagérer son jeu pour le registre de la comédie, mais il a suffisamment de charisme et de maturité pour être crédible dans les scènes dramatiques. De fait le ton des épisodes n’est pas débridé, l’humour est plutôt en retrait, et c’est plutôt appréciable. Mais pour tous les fans de dramas coréens, les scènes de jus d’orange sont à voir ab-so-lu-ment. Photo sans spoiler !
Mon plus grand reproche vient plutôt de la bande sonore. En soi, elle est parfaite. Rythmée, enthousiasmante, elle insuffle de l’énergie. Mais elle en fait trop. Au lieu de souligner l’action, elle tente de rendre encore plus grandiloquente une scène qui n’en avait pas besoin. Ce registre outrancier se repère de temps à autre, mais heureusement, on finit par s’y accommoder. Le drame fait irruption de manière un peu brusque et pesante également.
Enfin, au risque de me répéter, le positionnement des personnages n’est malheureusement pas très original, même si dans le cadre de la thématique, cela fonctionne très bien. J’ai également peur que le scénario ne devienne prévisible avec sa success-story, mais nous avons des gens compétents derrière la caméra. Quant au couple Jung Ryu Won/Kim Myung Min, il va falloir faire un bout de chemin pour le rendre crédible (9 ans d’écart quand même).
Difficile de faire la fine bouche. Le drama n’est pas le coup de cœur de l’année, mais il est suffisamment sympathique pour avoir envie de continuer. Ses thématiques sur les dramas et sur la reconstruction d’un homme, ainsi que la fraîcheur de son actrice principale auront suffi à me convaincre. Camera, Moteur, Action !
Je comptais regarder ces 2 premiers épisodes ce week-end. Comme tu le dis justement, se glisser dans les coulisses de la conception des dramas, même de manière romancée, ça nous parle forcément à nous autre amateurs de ces fictions. Je ne savais pas trop quoi en attendre, mais tes impressions relativement positives me rassurent quelque peu ; même si j’imagine bien combien il doit être difficile de vraiment tendre un miroir sur eux-mêmes dans cette industrie pour proposer un portrait qui semble juste et pas simplement un enchaînement de poncifs attendus. A suivre donc. 🙂