J’avais de multiples raisons d’être un tant soit peu enthousiaste à l’arrivée de Monday Mornings sur la chaîne TNT. La première, c’est évidemment qu’il s’agit de la dernière création de David E. Kelley. Même si ça fait un paquet d’années qu’il ne réussit pas à se renouveler, il reste encore et toujours l’un des plus grands showrunners à la télévision américaine (The Practice, Picket Fences, Ally Mc Beal…). Ma deuxième raison est toute simple : il était temps que l’on aborde les problèmes des erreurs médicales de façon frontale.
L’idée est donc excellente : il s’agit d’assister aux compte-rendus opératoires, à leur analyse auprès des confrères, pour débusquer l’erreur tapie dans n’importe quel cas médical. C’est en soi passionnant. Certes, cela remet complètement en perspective le métier de médecin, le fait tomber de son piédestal pour le rendre faillible. Mais surtout, cela démontre toute la complexité, tout le soin qu’il faut apporter à ce qui peut sembler comme des détails. A l’heure de la protocolisation généralisée, on ne pouvait pas mieux tomber.
Malheureusement, le pilote échoue complètement à exploiter son idée, en cherchant non pas à expliquer la complexité d’un cas mais en le ramenant à un principe basique : c’est la faute au médecin. Or il ne s’agit pas de montrer du doigt le vilain petit canard. Il s’agit de comprendre ce qui s’est passé. Pas une seule fois les enjeux économiques, politiques ne sont évoqués alors qu’ils sont souvent la cause première d’une pratique. Comprendre le mécanisme de l’erreur ne se limite pas à la recherche de la responsabilité individuelle, mais bien à l’amélioration des pratiques collectives. Si la réunion se limite à la lecture d’un cas « défendu » par un médecin, alors elle ne sert à rien. Un rappel à des règles ne suffira jamais à rendre le médecin meilleur. Le but, c’est de débusquer l’habitude, de se remettre en question de manière permanente. A partir du moment où on ne se pose plus de questions sur la raison d’effectuer un geste, alors le système tout entier court à sa perte. Il ne s’agit pas de dire « vous n’avez pas commis le geste qu’il fallait, sombre crétin », mais bien « pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? ».
David E.Kelley se fourvoie en voulant démontrer la nécessité d’une médecine plus humaine alors que c’est la technicité qui est au cœur de son sujet.
Le pilote analysera deux décès. Un médecin qui n’aura pas fait d’examens complémentaires sera viré, sous les cris de son collègue énumérant tous les membres de la famille qui ont désormais leurs vies brisées. Mais un autre médecin qui néglige les antécédents familiaux dans son questionnaire n’aura aucune sanction. L’explication est simple : c’est le héros compatissant, humain, et puis pour bien arranger les choses, de toutes façons le petit garçon n’allait pas vivre plus longtemps… La démonstration est faussée et injuste.
Les examens complémentaires (Radios, IRM, … ) ne sont pas des examens systématiques. Ils sont réalisés en fonction des symptômes du patient, de son âge, de sa capacité à supporter l’examen, bref ils sont – comme l’indique leurs noms – complémentaires. Avant de sortir la panoplie complète d’examens, qui est le geste le plus facile, peut-être vaudrait-il mieux finir l’anamnèse ? Alors, faut-il se demander qui est le médecin le plus dangereux ?Bien sûr que non. C’est bien toute la séquence qu’il faut revoir, de sa première à sa dernière minute. Et surtout tout faire pour éviter que ces raccourcis ne se reproduisent.
J’ai vite compris l’arnaque lorsque la mise en scène des réunions a consisté à braquer une à une la caméra sur chaque chirurgien-spectateur, réagissant de la même manière à chaque nouvelle par un soupir, en écarquillant ou en baissant les yeux. Le procédé est imbuvable, et m’a vraiment fait sortir de mes gonds. Nous ne sommes pas dans l’analyse des pratiques, comme semble pourtant l’affirmer le personnage interprété par Molina, mais bien dans un jugement emprunt de la moralité la plus dégoulinante.
Or nous ne sommes pas dans un tribunal, où il s’agit de désigner un coupable, le médecin négligent, inhumain, responsable juridiquement de ses actes. Il ne doit pas y avoir de jugement moral dans une réunion sur l’amélioration des pratiques. Car c’est en faisant circuler la parole, en confessant ses actes en dehors de toute contrainte, de tout jugement, qu’on peut débusquer les erreurs les plus courantes et dangereuses.
Bref, le hors sujet est total. David E.Kelley a voulu adapter son savoir-faire à une thématique qui n’en demandait pas tant. C’est d’autant plus dommage que le casting était plutôt alléchant, avec Alfred Molina, Jennifer Finnigan, Jamie Bamber, …
Mais à part ces objections, qu’en est-il de la série en elle-même ?
J’ai eu beaucoup de mal à m’attacher à ces personnages. Et même en reconnaissant le désir de DEK d’avoir un personnage un peu hors norme (le médecin asiatique), je n’ai pas pu m’empêcher de tiquer quand ce dernier est incapable de formuler des phrases complètes. Le procédé est lourdingue, et suspicieux.
Enfin, la mise en scène n’était pas très agréable, le réalisateur a eu la main lourde sur les zooms. Et la bande son n’était pas non plus une réussite pour exprimer les états d’âme de nos professionnels de la santé.
Je m’interroge également sur la suite de la série. Si le but c’est de montrer que tout médecin peut faire une erreur dans sa vie, tout médecin humain et compatissant qu’il soit, pas besoin d’en faire de multiples épisodes. S’il s’agit de faire du remplissage pendant 30 minutes sur des patients à l’hôpital, d’autres séries le font déjà très bien ailleurs.
Bref, pas grand chose à sauver du désastre.