J’étais curieux de découvrir le dernier KBS Drama Special intitulé Art, car son synopsis promettait d’investir le champ de la création d’une œuvre cinématographique en Corée, et après le drama King of Dramas, je me suis dit que ça donnerait un point de vue complémentaire intéressant.
Mais avec les drama special, la surprise est souvent au rendez-vous. Le drama est en fait un faux making-off non édité d’un documentaire à propos d’un film reconnu aujourd’hui. Ça va, vous suivez toujours ?
A l’écran apparait un jeune réalisateur qui se charge de filmer les pérégrinations de son équipe alors qu’il commence un documentaire. Son but est de faire parler de lui, et donc de trouver une vérité si possible choquante. Après un film remarqué, cela fait plusieurs années qu’il n’arrive plus à percer, et il espère qu’après le tournage de ce documentaire, son patron lui permettra enfin de faire ses débuts.
Pour l’assister, il fait appel à une scénariste qui a un point de vue bien différent sur la manière de créer un documentaire. Pour elle, pas question de montrer les conflits et les divergences d’opinion à propos du film « Agitpunkt ». Il est reconnu désormais comme une œuvre intéressante, et il faut charmer les spectateurs, leur montrer que tout le monde croyait au film, et s’entendait à merveille.
Afin de rajouter au drama within the drama within the drama, on nous raconte le sujet du film dont il est question de faire le documentaire (l’histoire d’amour en Corée du Nord dans un agitpunkt, c’est-à-dire un centre de propagande communiste) . Et le positionnement est intéressant, car il évite de prendre parti. On pourrait par exemple croire qu’il s’agit d’une satire du milieu cannois artistique et prétentieux. Pensez donc, il s’agit d’un film un brin sulfureux avec ses scènes de sexe de l’époque, au budget limité et à la pseudo-créativité débordante. Mais alors que la critique s’enflamme depuis que l’on a retrouvé trace de ce film présenté à Cannes en 1983, on oublie de penser au réalisateur qui s’est suicidé juste après la réalisation de ce film. Certes un destin brisé cela rajoute à l’effet « culte » (bien que l’on puisse douter que quelqu’un ait réellement vu le film en question, y compris l’équipe de tournage du documentaire). Or le réalisateur a brûlé quasiment toutes les pellicules de son film avant de passer à l’acte, reniant son travail qu’il considérait comme une supercherie. Alors, bon film ou mauvais film ? La réponse apportée à la fin du drama est pleinement satisfaisante (et émouvante), et en soi mérite le détour.
Si la divergence entre la scénariste et le réalisateur du documentaire est centrale dans ces scènes prises « à vif », on oublie pas de nous parler de tous les points de vue exprimés au sujet du film : le producteur de l’époque qui coupa les vivres au réalisateur une fois les premiers rushs visionnés, l’actrice amère qui y joua un second rôle et qui cherche à se créer une image d’actrice talentueuse et indispensable, la femme du réalisateur défunt et son traumatisme d’alors… La pièce manquante du puzzle reste alors l’actrice pirncipale qui a disparu peu après, et qui détient la clé du mystère et la conclusion de l’histoire.
Enfin, la production du documentaire lui-même permet d’aborder de nombreuses thématiques, comme la question des droits d’auteur (peut-on diffuser un documentaire sur un film sans en montrer quelques scènes ?), mais aussi l’argent et les motivations personnelles de chacun. Avec en filigrane, la question sur la place de l’art, écartelé entre le rôle qu’on veut lui donner et sa dimension « sacrée ».
Toutes ces questions se chevauchent et forment une réflexion pour le moins ambitieuse, malheureusement si l’épisode est dense, il oublie surtout d’arriver à nous intéresser aux personnages, et l’ensemble est par moment soporifique. Faire « vivre » un documentaire n’est pas chose aisée, et les comédiens s’en sortent très bien, cependant il manque tout simplement un travail sur le scénario lui-même afin de lui donner du rythme, des enjeux, et de l’émotion. Rien de bien grave, mais l’investissement du téléspectateur est de fait diminué, ce qui est dommage.
La question de l’appropriation de l’art n’est pas chose facile à traiter, et je dois dire que ce drama l’a traité avec brio. J’aurai juste voulu que l’on m’aide à me passionner pour ce sujet. En tous cas, je recommande le visionnage d’Art à toute personne qui souhaite y réfléchir, les pistes sont nombreuses et le point de vue drama within the drama within the drama rajoute à la démonstration. Et bien que je ne sois pas spécialiste de la question, je pense que ce drama là pourrait sans problème servir de support scolaire, au vu de sa richesse.
Merci pour ce billet ! J’avais eu des échos très positifs de ce drama special, ton article me confirme qu’il faut le mettre tout en haut de la pile de dramas à voir. 🙂 Le sujet a l’air vraiment très intéressant, tout comme l’approche choisi. Ces dramas special offrent décidément quelques belles expériences télévisuelles/narratives !