On ne le dira jamais assez, toute la difficulté du premier épisode d’une série est de poser son univers, savoir titiller la curiosité du téléspectateur sans jamais le perdre dans des circonvolutions narratives secondaires. Si je reproche le formatage en terme de rythme et de présentation de la plupart des séries du network américain, je ne tombe pas non plus béat d’admiration quand un auteur peine à lancer son sujet, ou tout du moins à le définir.
Pour le coup, prendre le temps de lire quelles étaient les inspirations et le but du créateur de Southcliffe se révèle nécessaire, pour ne pas dire indispensable. Mais on fausse ainsi l’exercice de critique d’un pilote.
Southcliffe est une série qui devrait nous parler de la difficulté de surmonter des tragédies. Son pilote se contente de placer l’origine du drame, en se concentrant sur la personnalité du responsable d’un massacre dans une petite localité. Dès son introduction, il ne fait guère de doutes sur ce qui va se dérouler sous nos yeux : un homme marginalisé, qui essaye de se donner une vie en prétendant être S.A.S. (Forces Spéciales Britanniques). Son existence misérable se cantonne à avaler des pintes de bière tout en contemplant la lente déchéance de sa vieille mère incontinente. Après s’être amusé aux dépends d’un militaire, il subit une pénible humiliation qui va lui permettre de « justifier » dans son esprit le massacre de tout un village.
Et c’est tout. La série doit nous parler des conséquences d’une tragédie, mais son pilote ne parle que de son origine. Le développement narratif prévisible s’étale sur une quarantaine de minutes, et pourrait presque en rester là. On pourrait faire le constat amer d’une pseudo-justification d’un massacre, de la répétition assommante de mêmes idées, d’un univers limité à 3 personnages (le tueur, le militaire, le journaliste) alors qu’on veut nous parler d’une bourgade,…
Le récit se perd peu à peu, passe brutalement d’un personnage à l’autre sans convaincre par son ambiance, et paradoxalement n’est pas très léger dans sa symbolique, dans sa vision pessimiste du monde et de la vie. Il pleut, les gens meurent dans l’indifférence d’un personnel hospitalier, personne ne peut comprendre un militaire qui revient de la guerre, et surtout… Il pleut. Surtout en voiture, un mode de transport qui décidément obsède le réalisateur. A coup sûr le parfait dépliant touristique.
On sort du pilote sans avoir envie de continuer l’aventure, ou plutôt, sans avoir envie de la commencer. Le plan fixe interminable d’un papier peint défraichi m’aura achevé de me convaincre que la série n’avait au fond pas grand chose à dire.
Et c’est dommage parce que c’est bien joué, et que la thématique a du potentiel. Si seulement le pilote pouvait réellement annoncer la couleur…
Selon moi, Southcliffe a des atouts (la manière dont le portrait s’esquisse de cette communauté, la tonalité sombre), mais un problème de définition d’enjeu, ou du moins, peut-être un décalage entre la manière dont la fiction a été présentée et l’approche choisie par le scénariste. Le deuxième épisode, tout autant centré sur la vie du village et ses petits quotidiens, confirme qu’il y a un vrai choix de d’abord évoquer cette communauté, avant d’envisager la manière dont elle est frappée. Je ne pense pas qu’il te ferait réviser ton jugement.
En fait, Southcliffe s’inscrit dans la grande mode du moment outre-Manche des « petits villages typiques où il se passe un évènement dramatique et où les apparences de tranquillité étaient trompeuses » (cf. Mayday, Broadchurch, Shetland…). (La pluie et l’ambiance dépaysante/hostile viennent en bonus.) Un genre qui a ses attraits, mais dont, je pense, on va vite arriver à saturation.
Après, personnellement, je réserve tout jugement à la fin de ces 4 épisodes (et puis, un peu de Rory Kinnear dans mon écran, cela me fait toujours plaisir ^^). On verra si oui ou non l’investissement était mérité au terme de la mini-série 🙂